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30 novembre -0001

La tribune de nos lecteurs: où sont les IngénieurEs ISEN ?

Dans la dernière Newsletter (n°56, Décembre 2017, voir  Newsletter 56) nous avions salué les distinctions décernées, d'une part à deux étudiantes d'ISEN Toulon,  d'autre part à Andreia Cathelin (Lille 1994). Bien que ne constituant pas une nouveauté pour nous, la mise en lumière de ces trois femmes a fait réagir une de nos collègues.

Bonjour,

La revue de l'AI ISEN (NdlR: il s'agit de la newsletter) est toujours sympa à parcourir.

Cette fois, je me permets de rebondir sur les 2 articles qui parlent de 3 ingénieures et particulièrement sur la phrase et dure réalité : "[...] Les promos récentes comprennent en effet, bon an mal an, 7 à 12 % de femmes diplômées [...]"

Dans ma promo 1973, nous étions 10 sur 100 pour la première fois. Cela aurait dû être un début à une époque où l’ICAM ( et bien d’autres écoles d'Ingénieurs) était encore strictement masculin ! L’ISEN avait été pionnière mais n’a pas transformé l’essai, dommage.C’est en effet très surprenant alors que beaucoup d’études supérieures longues sont largement féminisées comme la médecine ou le droit. Quelle analyse est-elle faite de ce phénomène ?

Ne pourrait-on pas faire un bilan des carrières professionnelles de ces femmes ingénieures et en tirer quelques indices pour donner envie aux bachelières ?

J’ai souvenir d’une AG d’anciens et/ou soirée de gala, il y a plusieurs décennies, dont le thème avait mis en avant la femme ingénieure . Malheureusement l’Ingénieure qui avait été citée en exemple et dont le témoignage avait été sollicité sur la scène, était une jeune femme dont on ventait le mérites de mère de famille (elle venait d’avoir des jumeaux) et qui malgré cette charge familiale, exerçait comme professeur des écoles !!! Je vous laisse apprécier la valeur de l’exemple sans porter aucun jugement sur le choix de vie de cette femme.

J’étais à cette époque salariée comme ingénieur plein temps et mère de famille de 4 enfants. Mon frère, ingénieur ISEN 1968, assis à mes côtés en a été gêné et surpris. 

La question du nombre d’enfants chez les ingénieurs hommes ne se pose pas, curieux !

Des témoignages de carrières féminines sont nécessaires. 

Je ne suis pas féministe (au sens exacerbé) mais j’aime qu’en tous lieux la bipolarité de la nature humaine existe parce que je suis convaincue que c’est un enrichissement, une dimension supplémentaire dans un référentiel scientifique et humain. 

Cessons de penser qu’une femme qui fait de telles études est un phénomène, c’est aussi banal, ou extraordinaire, que pour un homme.

Je vous livre ces simples réflexions pour votre plaisir ou déplaisir. 

Bonnes fêtes de fin d’année et encore bravo. 

Marie-Christine Jouvenaux-Declerck (Lille 1973)

Réponses et commentaires de la rédaction (au nom du Bureau de l'AI ISEN).

Tout d'abord merci à Marie-Christine d'avoir pris le temps de s'exprimer sur un sujet sur lequel nous sommes toutes/tous sensibles. Au passage, merci aussi de son avis positif sur les informations que nous diffusons.

Sans ouvrir ici un débat nécessaire et passionnant (la Newsletter ne s'y prête pas), voici, au bénéfice de tous, quelques commentaires et informations.

Tout d'abord, le phénomène n'est pas spécifique à l'ISEN, car il caractérise globalement toutes les filières scientifiques et techniques, avec des variantes.

Cette question est régulièrement traitée par IESF, les pouvoirs publics et pratiquement tous les acteurs ou institutions ayant voix au chapitre. Un simple coup d'œil, au moment où nous écrivons, sur le site IESF, m'indique qu'un événement y est prochainement consacré, à l'initiative de l'Association Française des Femmes Ingénieurs L'ASFI se mobilise...

Les contre-exemples cités, Médecine, Droit, mais aussi dans des filières comme la Biologie ou l'Agriculture, donnent lieu à des explications complexes et parfois controversées des économistes (corrélation avec les rémunérations) ou des sociologues… On peut aussi observer que des professions paramédicales ou d'enseignement (notamment professeur des Ecoles) sont massivement "féminisées".

Le rappel de ces indications est utile, encore une fois, non pas pour ouvrir et traiter le sujet, mais relativiser le cas des Ingénieures ISEN.

En ce qui concerne l'ISEN, si la moyenne globale des Ingénieures ISEN est légèrement supérieure à 10%, la tendance était plutôt à l'augmentation depuis la création de l'Ecole, même si elle se stabilise voire régresse ces dernières années, comme dans l'ensemble du secteur "numérique".  

Enfin, même si le témoignage de Marie-Christine confirme notre sensibilité commune à ce sujet, voici quelques faits concernant l'Association.

Nous mettons régulièrement en avant des témoignages de femmes-Ingénieurs, ou plus largement de scientifiques (guettez, par exemple, le prochain numéro d'AI Contact mi 2018).

Sur l'activité au sein de notre Association, nous avons eu il y a quelques années au sein du Bureau une Vice-Présidente en la personne d'Isabelle Desoutter (Lille 1982) et actuellement, deux de nos Régions, Ile-de-France, et Arc Lémanique, sont animées par des Ingénieures, respectivement Norma Loeffel (Lille 1978) et Aurore Bui (Toulon 1996). Mais, ceci expliquant cela, aucune Présidente de l'AI ISEN (encore une fois, un phénomène pas spécifiquement ISEN).

Enfin, pour rappel nous avons publié un numéro  AI Contact  sur le sujet, n°19, en Juin 2011 (déjà…): ce numéro présentait un certain nombre de parcours ISEN féminins, bien éloignés de la caricature maladroite évoquée par Marie-Christine Jouvenaux-Declerck dans son billet d'humeur…

Il présentait même (caricature encore ?) une Ingénieure officier de la Marine Nationale…

A cette époque j'avais pris, au sein du Bureau, une position ironiquement provocatrice, en remarquant que nous ne ferions jamais un numéro consacré aux Ingénieurs hommes…

Tant que nous ressentons ce besoin, il y a encore du progrès à faire. Citons Françoise Giroud: "La femme serait vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente"…

Cette citation  semble convenir pour clore (provisoirement) ce débat que comme expliqué plus haut, nous ne poursuivrons pas dans le format de cette Newsletter.

Laurent Moussu (Lille 1977), Vice-Président Communication et Réseaux